Comment la culture du haricot a fait toute la dif férence pour les habitants de Mfou au Cameroun

De gauche à droite :

Martial Patrice Amougou
Université de Yaoundé I, Cameroun

Bienvenu Habit 
Université de Yaoundé I, Cameroun

 

 

Résumé – Malgré les efforts en matière de développement des zones rurales, il apparaît clairement dans la majeure partie des régions du Cameroun, notamment dans celle du Centre, que les conditions de vie ne s’améliorent pas. Pendant des années, les activités de développement étaient essentiellement axées sur les cultures de rente avec des produits destinés à l’exportation, au détriment des cultures vivrières qui contribuent toutefois substantiellement à l’amélioration des conditions de vie sur place. S’inspirant de la pratique de la culture du haricot à l’Ouest du Cameroun et des revenus considérables qu’en tirent les paysans, l’organisation non gouvernementale (ONG) CHASAADD-M voulait introduire cette culture dans les pratiques agricoles des populations de la région du Centre, notamment dans le département de la Mefou-Afamba à Mfou. 



Selon le rapport de l’Agence française de développement (AFD 2006), la pauvreté est plus répandue au sein du monde rural qu’en milieu urbain. Les paysans représentent ainsi les deux tiers des personnes souffrant de malnutrition dans le monde. Les trois quarts des personnes devant survivre avec moins d’un dollar par jour sont les ruraux.

En milieu rural, on relève des besoins en matière de santé, d’éducation, de communication et d’environnement. L’éducation est un facteur essentiel pour la réduction de la pauvreté et des inégalités, et pour favoriser l’exercice de la citoyenneté et la bonne gouvernance. Outre la précarité de l’habitat, la consommation abusive de l’alcool et le manque d’accès à l’eau potable constituent des menaces. Ces problèmes comptent parmi ceux que le monde rural affronte au quotidien et Mfou, qui se situe justement en milieu rural, n’est pas épargné par cela.

Quand les ONG se sont installées en ville

Les transformations politiques intervenues au début des années 1990 au Cameroun ont favorisé l’explosion des ONG. D’une dizaine en 1990, on estime leur nombre aujourd’hui à 600. Une liste des ONG recueillies auprès du Collectif d’organismes de participation au développement du Cameroun (COPAD) permet d’identifier quelques domaines d’intervention que sont : la promotion de la femme, le développement communautaire, la vulgarisation des techniques de protection de l’environnement et la structuration du monde paysan, pour ne citer que ceux-là. Trois facteurs ont permis la prolifération de ces ONG : la libéralisation du paysage politique qui a introduit la liberté d’association, la volonté des bailleurs de fonds de toucher directement les populations à la base
et, enfin, la réduction de la pauvreté.

Pour expliquer l’émergence des ONG en milieu rural, il faut se situer dans le cadre des rapports État/population en matière de développement. Dans un passé récent, on parlait de l’État-providence, c’est-à-dire que le développement était conçu comme étant de la seule responsabilité de l’État. Ce développement n’a pas été durable puisqu’il était voulu et dispensé par des acteurs qui ne maîtrisaient pas les besoins des populations. Il ne les a ainsi pas nécessairement fait participer
à leur propre développement.

En plus, les bailleurs de fonds ont voulu créer d’autres moyens d’acheminement d’aide aux populations rurales étant donné que jusque-là l’aide avait été dispensée par le biais de canaux étatiques. Les résultats de cette méthode n’ont pas
été convaincants, une bonne partie de l’aide étant détournée ou utilisée sans qu’une attention soutenue soit apportée aux résultats. Par leur spécialisation, les ONG apparaissaient comme un relais efficace pour aider les populations.

En dépit des actes de quelques brebis galeuses (non-achèvement des projets, querelles issues de l’octroi d’un financement, caractère fictif des structures), quelques ONG sont restées fidèles à la mission de promotion du développement aux côtés de l’État. Bon nombre d’entre elles ont axé leurs activités sur l’agriculture dans le but de renforcer les possibilités de gagner sa vie dans les communes rurales.

Inventaire des difficultés

Le 31 aout 1991 à Mfou, un séminaire fut organisé dans le but d’identifier les obstacles socioculturels et économiques qui freinaient le développement de cette zone rurale. La participation massive des paysans fut un signe indicateur de la volonté des populations de prendre en main leur destin. Ce séminaire avait été organisé sur l’initiative de madame Élisabeth Atangana, fondatrice de l’Union des groupements communautaires d’Esse (UGCE).

À l’issue de cette rencontre, les problèmes suivants furent identifiés :

  • besoins en couverture sanitaire ;
  • enclavement des populations ;
  • absence d’éducation et de formation pratique en agriculture ;
  • précarité de l’habitat ;
  • consommation abusive d’alcool.

Face à ces difficultés, une solution provisoire fut adoptée : la mise sur pied d’une plateforme de réflexion. À l’issue de 12 mois de réflexion, il fut créé une structure proportionnelle aux problèmes identifiés. On la nomma : Chaîne de solidarité et d’appui aux actions de développement durable de la Mefou (CHASA ADD-M).

Apres une première expérience sans succès menée à Mbalmayo (une ville située à une trentaine de kilomètres au sud de Yaoundé) sur la possibilité de cultiver le haricot dans la région du Centre en 1987, une nouvelle campagne de distribution fut organisée. Toutefois, les haricots avaient au préalable été trempés dans de l’acide acétylique pour éviter que les paysans ne les mangent tout de suite. Cette foisci, la récolte qui s’ensuivit donna grande satisfaction aux paysans
qui décidèrent donc de se livrer à la culture du haricot. Restait à savoir comment faire pour continuer sur cette fructueuse lancée.

Une approche en trois étapes

Trois grands axes furent développés. Le premier portait sur la formation, le deuxième sur la commercialisation et le troisième enfin sur la prime à l’excellence accordée aux meilleurs paysans.

Les spécialistes en matière de developpement s’accordent sur le fait que le secteur productif constitue à la fois le principal moteur de la croissance et un important vivier d’emplois pour lutter contre la pauvreté. Pour les pays en développement, investir dans la formation des paysans assure des retombées économiques et sociales significatives. La formation permet de rehausser les compétences des paysans afin d’augmenter la productivité. La formation est efficace quand elle est partie prenante d’une amélioration globale de la situation du paysan.

Dans son projet de production de protéines animales et végétales, la CHASA ADD-M a mis sur pied deux types de formation : la formation centralisée et la formation décentralisée. Dans le cadre de la formation centralisée, trente animateurs endogènes ont été formés dans le but de retourner au sein des populations et de les former à leur tour. Cette formation portait sur des thèmes liés aux plantes cultivées par les paysans.

La formation décentralisée, quant à elle, a permis de montrer dans la pratique aux paysans, des techniques de culture du haricot en l’occurence.

La CHASA ADD-M s’est aussi attelée à former les paysans aux techniques élémentaires de vente ainsi qu’à la pratique de la vente collective. D’une manière générale, il s’agissait pour cette ONG de donner des savoirs aux paysans afin de leur permettre de négocier des partenariats pour assurer l’écoulement des produits. Par ailleurs, cette association a
contribué à la mise en place d’une structure de commercialisation du haricot dans la région du Centre avec l’aide de la
Concertation nationale des Organisations paysannes du Cameroun (CNOP-CAM). Cette plateforme forme avait pour mission d’assurer la maîtrise des canaux de distribution du haricot en vue d’améliorer le niveau des revenus des paysans.

Pour la même période, la production du haricot dans la localité de Mfou n’a cessé d’augmenter pour le plus grand bien des cultivateurs qui ont vu une nette amélioration de leurs revenus.

Pour achever son action, la CHASA ADD-M a récompensé au fil des années les paysans qui se sont distingués par leur dévouement au travail en matière de production du haricot en leur remettant des outils de travail et des appuis financiers conséquents.

Conclusion

La CHASA ADD-M a contribué à la promotion de la culture du haricot auprès des paysans de la localité de Mfou. Cependant, force est de reconnaître que les populations n’adoptent de nouvelles cultures que quand ils en voient les
avantages directs.

Par ailleurs, une fois le processus innovant introduit, il serait nécessaire que la formation porte non seulement sur la diffusion des techniques agricoles, mais aussi davantage sur des techniques de vente qui faciliteraient l’écoulement des produits issus de ces activités agricoles.

 


Références

Abega, S.C. (1999) : Société civile et réduction de la pauvreté. Yaoundé : Édition CLE.

Agence française de développement (2006) : Rapport annuel

Bisso, A.C. (1999) : Contribution de la cité Don Bosco de Mimboman à l’encadrement des jeunes à Yaoundé. Monographie STA, INJS, Yaoundé.

CHASA ADD-M (1997) : Rapport annuel d’activités.

Ekani, J. (1999) : Du gouvernement des ONG au Cameroun. Yaoundé : Édition CLE.

Ministère de l’Économie du Plan et de l’Aménagement du Territoire (2009) : Document de stratégie pour la croissance et l’emploi. Yaoundé.

Mveng, E. (1995) : Paupérisation et développement. Yaoundé : Terroir1.

Noah, F. (1995) : Un autre destin pour l’Afrique. Yaoundé : Créons.

 


 

Les auteurs

Martial Patrice Amougou est linguiste de formation, et titulaire d’un master en ingénierie de la formation et des systèmes d’emploi de l’université de Toulouse 1. Après des études professionnelles à l’INJS de Yaoundé qui lui ont permis d’acquérir le grade de Conseiller principal de jeunesse et d’animation (CPJA), il a commencé à travailler comme responsable des études
et enseignant dans cette même institution. Il est membre du Réseau international des ingénieurs de la formation pour le développement (RIIFADEL), et il est actuellement doctorant à l’université Yaoundé I.

Contact
Institut National de la Jeunesse et des Sports

BP: 1016

Yaoundé, Cameroun
amougoupat@yahoo.fr

Historien de formation, Bienvenu Habit entre à l’Institut national de la jeunesse et des sports du Cameroun (INJS) en 1999. Conseiller principal de jeunesse et d’animation (CPJA) trois ans plus tard, il est affecté dans le même établissement, où il
dispense des enseignements en éducation populaire et dirige depuis plus de dix ans, les travaux de recherche au sein de la division des sciences et techniques de l’animation. Diplômé du cabinet CODEV en gestion et planification de projets, il est actuellement doctorant à l’université Yaoundé I.

Contact
Institut National de la Jeunesse et des Sports

BP: 1016

Yaoundé, Cameroun
habidine@yahoo.fr

 

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