La violence domestique sur scène

Astrid von Kotze, Afrique du Sud 

 

 

 

 

 

 


Astrid von Kotze travaille comme professionnelle de l’éducation et du développement communautaire au sein du Programme d’éducation populaire dans les communautés ouvrières, en Afrique du Sud. L’un de ses outils pédagogiques préférés est le théâtre populaire.

Éducation des adultes et développement : Qu’est-ce que le « théâtre populaire » ?

Astrid von Kotze : Contrairement au théâtre pour le développement, qui cherche à sensibiliser pour améliorer un aspect de la communauté, le théâtre populaire (tout comme l’éducation populaire) vise à conscientiser. La conscientisation, telle que proposée par Freire, consiste à identifier, analyser et cibler les rapports de pouvoir sous-jacents et les contraintes systémiques ainsi qu’à mobiliser les participants pour qu’ils agissent en faveur du changement. Le théâtre populaire ne consiste donc pas à « donner une voix à ceux qui n’en ont pas » : il considère à la fois les acteurs et le public comme des sujets agents de leur propre développement et de leur propre changement, il les encourage et les soutient dans leur combat contre les oppresseurs. Au mieux, le théâtre populaire est une stratégie de lutte acharnée en faveur de la justice.

Pourquoi utilisez-vous cette approche dans votre travail ?

Le théâtre est un espace merveilleux pour travailler sur des sujets dangereux et pour « allumer le feu », c’est-à-dire pour provoquer la colère et la passion – l’énergie nécessaire pour alimenter l’action. Le théâtre puise dans la créativité des gens, dans leur imagination. En expérimentant et en improvisant sur des questions qui leur tiennent à cœur, les participants finissent par considérer leurs problèmes personnels comme des problèmes publics. Le théâtre offre ainsi un espace qui permet d’explorer de manière critique, ludique et en profondeur des relations (horizontales) et des rapports nouveaux.

Pouvez-vous nous donner un exemple de l’impact du théâtre populaire ?

En 2016, j’ai travaillé avec un groupe de femmes originaires de Delft, quartier très pauvre aux environs du Cap. Comme thème, elles ont choisi la violence domestique qu’elles considéraient comme un problème persistant et sérieux dans leur communauté. Dans des ateliers, plus de 25 femmes ont travaillé sur la question en rapport avec les systèmes sociaux, économiques et politiques ; elles ont découvert à quel point les différences de pouvoir ont un caractère profondément sexospécifique, et compris que la violence domestique s’inscrit dans une culture patriarcale de violence. Les femmes ont révisé leur façon de voir et compris que les hommes sont eux aussi opprimés par cette culture. En fin de compte, six femmes ont joué la pièce, mais les 25 ont déclaré qu’elles commençaient à aborder leur partenaire et leurs enfants avec plus d’empathie, en développant les outils de dialogue nécessaires pour transformer les relations. À la fin de la représentation, beaucoup d’hommes sont venus « se confesser » et s’excuser pour leur comportement. On notera plus particulièrement que les femmes, dans la pièce de théâtre, ont établi des rapports d’empathie plutôt que de mépriser les autres femmes et qu’elles ont, ensemble, élaboré des moyens de lutter contre les abus par des actes de solidarité. Deux ans plus tard, bon nombre d’entre elles mènent leurs enfants à l’école dans des « bus pédestres » pour les protéger ; quand elles ont vent d’abus envers les autres femmes, elles réagissent en soutenant publiquement les victimes de violence ; elles cuisinent ensemble et se rencontrent régulièrement dans des groupes de soutien.

Néanmoins, si un petit groupe de femmes est capable de bricoler un petit changement, il faudrait par contre un mouvement social et une « révolution de longue haleine » pour changer les systèmes. Les pièces de théâtre ancrées dans des mouvements sociaux ont plus de chance de créer un impact durable. Au départ par exemple, on a joué une pièce sur l’expropriation et la propriété foncière pour les membres des communautés concernés ; la pièce les a familiarisés avec les aspects juridiques et a été appréciée. Elle est en phase de répétition et servira de stratégie pour sensibiliser le public en vue d’un procès à venir concernant les terres domaniales.

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